Passion simple

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Infos

Théâtre et création sonore/ 1h20 /Public adulte

Autrice
Annie Ernaux

Conception et Interprétation
Corinne Mariotto, comédienne
François Donato, création sonore et visuelle

Adaptation du texte
Corinne Mariotto et Muriel Bénazéraf

Regards et écoute extérieures
Muriel Bénazéraf et Pierre Jodlowski

Production et diffusion
Compagnie de la Dame

Coproduction
Théâtre de la Cité
Théâtre du Grand Rond
Espace Apollo
Studio éOle

« À partir du mois de septembre de l’année dernière, je n’ai plus rien fait d’autre qu’attendre un homme : qu’il me téléphone et qu’il vienne chez moi. »

Annie Ernaux écrit sur une rupture, un arrêt de la vie d’un être humain, un trou noir qui engloutit cette personne et la dépouille violemment de son quotidien, de sa normalité, de ce qui jusque là structurait sa vie, donnait de la cohérence à son existence.Une rencontre avec une autre personne, une relation qui s’établit dans la marge de la vie quotidienne, et cette zone inexplorée, laissée en jachère, prend soudain toute la place, expulse le rationnel, le cohérent.

Sans analyser, sans essayer de nous faire comprendre, l’autrice pose les faits dans leur état le plus cru, elle les expose à notre entendement et à notre sensibilité. Sans affect non plus, elle ne donne rien à lire qui oriente vers telle ou telle sensation, jugement. Elle semble décrire les symptômes d’une maladie. C’est sa vie, son expérience mais le tableau qu’elle peint par petites touches obstinées vient activer chez nous, celles et ceux qui le scrutent depuis leurs propres expériences et leurs failles intimes, des points de résonance, des échos plus ou moins amplifiés. Est-ce un texte sur la dépendance affective ? C’est assurément l’exploration d’une dépendance, d’un assujettissement à notre légitimation par le regard d’autrui, par cet autre qui ici est un être humain mâle.

Est-ce que cet enfermement dans l’état amoureux nous est décrit spécifiquement du point de vue féminin ? Clairement non. Que les comportements induits par cet état soient structurés par un formatage des genres, c’est probablement une déduction que la morale générale, les habitudes culturelles nous amèneraient à établir. Quand la narratrice demande à son amant reparti loin d’elle pourquoi il ne l’a pas contactée pendant si longtemps, celui-ci en sourit :
« Je t’aurais appelée, bonjour, ça va. Et puis quoi ? ».

La désinvolture de cette réponse révèle bien la capacité de détachement de cet homme. De même que ses manières décrites par Annie Ernaux révèlent sa propension à prendre son plaisir dans l’insouciance et l’immédiateté. Sûrement des traits de comportement attribuables plus fréquemment à un homme qu’à une femme dans la réalité de nos sociétés. La narratrice, elle, est en permanence happée par la préparation physique et psychologique des rendez-vous avec lui, par la remise en cause de ses propres qualités, de sa capacité à attirer et garder cet amant. Ce souci du bien-être de l’autre, de la préparation à la relation, de donner à l’autre cette image agréable, attirante… « sexy » en un mot, pour susciter le désir, l’envie, les femmes y sont encore sûrement plus souvent assignées que les hommes.

Mais dans le livre, cette différence de position dans la relation traduit-elle pour autant un déterminisme comportemental lié au genre ? Rien dans l’écriture d’Annie Ernaux ne permet de l’affirmer. Il n’y a pas de référence à un « nous » féminin et nous savons bien que les problématiques de séduction et de confiance en soi touchent aussi largement les hommes. C’est précisément la faculté de cette écriture à s’inscrire dans le commun à partir du « je », à parler de la condition humaine depuis la trivialité d’un quotidien que reconnaîtront aussi bien les femmes que les hommes, à nous révéler nos propres mécanismes de dépendance alors que l’autrice ne décrit que son expérience.

La factualité clinique, quasi chirurgicale de l’écriture neutralise ainsi la personnalisation de la narration qui pourrait nous laisser à distance, dans l’indifférence voire l’agacement face à la position voyeuriste presque obscène qu’elle nous confère. Cela fait partie des tensions internes à l’art d’Annie Ernaux qui par là se raccorde plus généralement au genre de l’autofiction.

Dans cet aller-retour induit entre la proximité du sujet et le commun, se trouve la matière initiale de notre projet. Dans la mise à jour de l’intime, du non dit, du secret, de ce que l’on croit circonscrit à sa propre expérience, comme les tropismes que Nathalie Sarraute décrivait dans ses livres et qu’elle a su si bien mettre en lumière avec, par exemple, le « c’est bien, ça… » de Pour un oui ou pour un non, tout ce monde caché, ce vécu intime derrière ces quelques mots.

Représentations passées


  • 07/09/2023 - 16/09/2023 : Théâtre du Grand Rond, Toulouse (31)
  • 22/07/2023 - 25/07/2023 : Festival de Théâtre de Phalsbourg, Phalsbourg (57)
  • 04/04/2023 - 15/04/2023 : Théâtre du Grand Rond, Toulouse (31)
  • 09/03/2023 : Espace Apollo, Mazamet (81)
  • 03/03/2023 : Théâtre de Roanne, Roanne (42)