Je suis tombée tout à fait par hasard, dans les rayons de la librairie toulousaine Ombres Blanches, sur le livre, avec Marguerite Duras et François Mitterrand en photo sur la couverture: « Le bureau de poste de la rue Dupin et autres entretiens ». Et tout de suite, avant même de le lire, tiens, ces deux-là se sont rencontrés, ce qu’ils se disent doit forcément être intéressant, il faut que j’en parle à Denis… Denis Rey, formidable comédien, mon complice à la scène depuis une bonne vingtaine d’année, que je sais avoir une grande admiration fascination pour Mitterrand, l’homme, le personnage, et Duras qui m’accompagne depuis tant d’années, si ces deux-là se sont parlé, il faut qu’on en fasse quelque chose !
Alors j’en ai parlé à Denis, on a lu ces textes, on les a aimés, ce que ces deux-là se disent sort tout à fait de l’ordinaire. Ils ont tout d’abord une histoire commune croisée pendant la guerre ahurissante, faite de hasards, de rencontre, de dangers courus et évités, une histoire que peu de personnes connaissent. Et ils parlent aussi de politique intérieure et extérieure, de grands travaux, de Reagan, de Khadafi, du communisme…
Ils se sont rencontrés plusieurs fois, d’abord chez Marguerite, rue Saint Benoit à Paris, puis à l’Elysée. Ces entretiens étaient menés à l’initiative de Michel Butel et destinés à être publiés dans « L’autre journal ». Le livre trouvé était une réédition chez Folio de ces entretiens.
Nous avons d’abord pensé à en faire un spectacle, puis le manque d’action nous a fait pencher pour une lecture, on est dans le domaine de l’esprit, de la pensée, deux intelligences formidables qui se rencontrent. Puis, en faisant des recherches nous avons découvert, Denis et moi, qu’il existait des enregistrements de ces entretiens. Nous les avons écoutés, et à notre grande surprise, ce qu’il y avait dans le livre n’était pas la même chose que ce qui se disait, les idées avaient été réécrites, réordonnées, réorganisées, la pensée était lisse, sans scories, formidablement bien écrite.
Et nous, ce qui nous intéressait, c’était le verbe, le vivant, les scories de la parole, les hésitations, les silences, les moments où ils parlent en même temps, où ils ne s’écoutent pas, les rires…
J’ai alors fait un verbatim de ces enregistrements, j’ai écouté et restituée mot après mot, phrase après phrase, j’ai mis la parole sur le papier, et c’est ce que nous proposons au public, ce dialogue formidable entre ces deux monstres du siècle passé, les faire revivre en les évoquant, sans les imiter, mais avec respect et amour. Cela donne une proposition atypique, une lecture spectacle en deux parties d’une heure chacune.
